Samedi 2 avril 2022, les journaux citent un communiqué de l'AFP incitant les Français à être économes en consommation d'électricité lors de la remise en route de l'économie le 4 avril, début de semaine. La cause en est la faiblesse de la disponibilité de nos centrales nucléaires (faiblesse associée au ralentissement de l'entretien dû à la pandémie) et la vague de froid (très légère quand même).
Alors, il nous manquerait de l'ordre 11 GW, à trouver ce lundi, via les importations pour assurer sans à-coup la fourniture d'électricité pour la consommation prévue.
Les anti-nucléaires insistent alors sur le manque d'éoliennes que révèlerait la France. Comme d'habitude il manque à ces bons esprits quelques notions des besoins, chiffrés, pour passer ce cap délicat… et surtout pour préparer l'avenir compte-tenu de la transition énergétique souhaitable et de la raréfaction en cours des ressources énergétiques.
Tout d'abord le cas présent
Disponibles actuellement environ 32 GW nucléaires… en 2013 à cette même période de l'année, il y avait en production 48 GW (donc, au moins disponibles), en 2017, encore 42 GW. A ces dates la France était globalement exportatrice (et même en quantité non négligeable). Les importations de ces jours-ci : de l'ordre de 10 GW (bien sûr cela varie heure par heure, en plus ou en moins fonction de la demande, des ressources venteuses ou solaires). RTE annonce 11 GW… soit l'équivalent de 12 réacteurs de 900 MW (il y a présentement 27 réacteurs indisponibles - sur les 56).
11 GW qui pourraient être comblés, éventuellement, par 3700 éoliennes de 3 MW, fonctionnant à plein régime, ou en prenant un facteur de charge de 0,25 (facteur de charge annuel moyen des éoliennes terrestres en France) 14 600 éoliennes.
Mais le futur ?
La difficulté actuelle peut sembler soluble, le plus simple, et le moins onéreux étant de rétablir rapidement le bon fonctionnement des centrales endormies.
Mais cela oblige quand même à s'interroger sur le futur.
Déjà citons les pages dédiée à l'hydrogène et à son utilisation à la circulation des poids lourds par l'intermédiaire des piles à combustibles.
- https://www.transitionsenergies.com/produire-hydrogene-vert-beaucoup-electricite/
- https://reporterre.net/L-hydrogene-trop-gourmand-en-energie-pour-etre-ecologique#nb8
100 000 (seulement) camions de poids supérieur à 16 t utiliseraient 92 TWh pour l'année (en énergie électrique sortie de source : électrolyse, compression, transport puis alimentation de la propulsion par l'intermédiaire de l'hydrogène que la pile à combustible transformerait en électricité pour la traction du camion). Une telle quantité d'électricité pouraient être obtenues par (au choix) l'électrolyse de l'électricité de 13 réacteurs de 900 MW (avec le facteur de disponibilité moyen annuel de 0,9), ou de 910 km2 de panneaux photovoltaïques (en zone sud de la France), ou de 13 000 éoliennes terrestres de puissance unitaire 3 MW, avec un facteur de charge 0,25… ou toute combinaison de ces différentes sources.
Il est nécessaire, pour prendre réellement conscience des problèmes, d'essayer de procéder à la décarbonation de toutes nos énergies. Nous prendrons comme exemples la Région Ile de France et la France entière.
Le point de départ du raisonnement est la quantité d'énergie finale utiisée localement tous usages et toutes formes (industrie [dont fabrication d'engrais…], transports, résidentiel [éclairage, chauffage, appareils divers…), commerces… ; électricité, gaz, fuel, essence, diesel, charbon, géothermique… ) Pour la France, environ 1500 TWh (toutes sources (tep, m3 de gaz… ayant été traduites en unité électrique pour simplifier) ; pour la Région Ile de France : 200 TWh.
Comme la partie transport (camions, voitures…) utilise en grande partie des moteurs à faible rendement global, les chiffres ci-dessus vont être ajustés pour tenir compte de l'augmentation des rendements lors du passage à l'électrique ou à l'hydrogène. Fortement optimiste, prenons juste ici 1000 TWh et 100 TWh comme quantités annuellement nécessaires.
Le tableau ci-dessous donne une estimation des besoins de chacune des filières si elle était seule. En pratique il est possible d'envisager un mix électrique menant au même résultat.
consommation annuelle, énergie finale (TWh/an) |
réacteurs nucléaires 900 MW, f = 0,9 |
éoliennes 3 MW, f=0,25 |
surface photoélectrique (km2) |
1000 (France) |
141 |
152 207 |
9 848 |
100 (Île de France) |
14 |
15 221 |
985 |
Remarquons qu'actuellement existent 56 réacteurs potentiellement en état de marche, aussi les 141 restent dans le domaine envisageable (les EPR à construire ayant une puissance nominale de l'ordre de 1,6 GW).
Le nombre d'éoliennes devient démesuré (il y en actuellement 8500 sur le territoire, les habitants des Hauts de France, de Grand Est, du Loiret, de Bretagne… connaissent bien). On peut augmenter la puissance nominale et le facteur de charge, aussi dans certaines limites, en augmentant la hauteur… 200 m, . 300 m sont dans les pensées des “ingénieux” promoteurs. Il se trouvera bien des ONG environnnemalistes pour indiquer que les fleurs et les gastéropodes peuvent vivre au pieds des éoliennes, des spécialistes des paysages pour indiquer que ces artéfacs élégants soulignent les crêtes, agrémentent les plaines… des urbains pour indiquer que les campagnes sont toutes désignées pour les y placer.
On peut vitrifier une portion du territoire en surface photovoltaïque… ou faire des projets "désertec" promus par les énergéticiens allemands.
Remarque 1 : dans l'hypothèse de l'électrolyse menant la production d'hydrogène toutes les sources citées ci-dessus sont adaptées. Les sources intermittentes que sont les éoliennes et les panneaux PV voient là la possibilité de se développer sans frein puisque cela règle leurs problèmes de surproduction lorsque la demande de consommation électrique est faible.
La production nucléaire peut aussi profiter de l'aubaine et travailler ainsi à régime élevé si la demande électrique est faible. Actuellement déjà pilotable (participant ainsi à l'équilibre demande/offre) la production d'hydrogène augmenterait alors son facteur d'utilisation sans avoir recours à l'incitation à la consommation, comme cela était au début de l'implantation des centrales nucléaires.
Remarque 2 : Les chiffres donnés ici le sont juste pour indiquer les dimensions du problème… non pour indiquer la possibilité physique de la réalisation (matériaux de tous ordres [juste remarquer que les réserves d'uranium, dans l'hypothèse des réacteurs à neutrons rapides, ne sont pas le problème], la possibilité financière (coûts des matériaux dans un monde ‘fini’, dans un monde où les demandeurs sont de plus en plus nombreux).
Bien sûr, les trois sources présentées ici ne sont pas les seules. Hydraulique, métanisation, géothermie… sont là pour participer à la décarbonation de la production énergétique. tout comme l'installation de centrales éoliennes en mer (ce qui est loin d'être innocent au point de vue environnemental et social ! La destruction des paysages côtiers est intense.)
Le Roayume-Uni prévoit d'intensifier sa production par la mutiplication d'éoliennes offshore… et de centrales nucléaires… et de limiter les projets d'éoliennes onshore.
Ce qui est sûr : n'ayez pas peur de combattre pour chaque site éolien en discussion, de demander un moratoire général sur l'éolien pour une réflexion globale et responsable… et ce indépendamment des conclusions des Grenelle(s) acceptées par notre Pays, de façon totalement incohérente sur le volet de la production d'électricité décarbonnée… conclusions dont usent et abusent les promoteurs et ceux qui tombent sous leurs charmes.