Il y peu de temps RTE avait rendu publics des projets menant, selon ses dires, à la possibilité de produire la totalité de l'électricité de la France par des moyens purement renouvelables, réduisant théoriquement à 0 la production de gaz à effet de serre (GES) par la filière électrique à l'horizon 2050.
Instantanément le Ministère de l'Environnement, l'ADEME, les syndicats de promoteurs éoliens (SER, FEE), les associations écologistes FNE, Négawatt ont applaudi avec vigueur. Mais les critiques sont vite venues – faiblesse de l'étude financière, non-prise en compte des possibilités techniques – … menant RTE à préciser ses propres termes.
Les critiques n'ont pas tardé à porter leurs fruits… Les pouvoirs publics, ministre en tête, ont alors compris qu'un terme de l'équation de l'équilibre des projets reposait sur des pieds d'argile : vouloir faire disparaître la filière électronucléaire française… source principale (et de loin) de la production électrique nationale, meilleure source électrique dans la lutte contre les GES, source puissante, sûre, pilotable.
L'on a donc vu reparaître le nucléaire dans les discours du plus haut niveau : mise en route d'une filière de petits réacteurs modulables, considération du prolongement (que rien n'interdit, a priori) des réacteurs actuels au-delà des 40 ans initiaux, mise en route (aujourd'hui annoncée, mais à programmer) de la réalisation de 6 (?) réacteurs EPR… Chants pleins de louange à la filière… Et pourtant, annonce de la fin du projet ASTRID, réacteur de 4ème génération - filière de neutrons rapides, développée pour multiplier par un facteur de 50 à 100 les réserves énergétiques de la ressource nucléaire, tout en réduisant la production de déchets radioactifs… alors que d'autres pays se lancent dans la filière. La COP 26, l'AIE osent la citer
https://www.transitionsenergies.com/cop26-nucleaire-frequentable/
Pourquoi parler donc de cette filière nucléaire, sur un site dédié à l'éolien ? Tout simplement parce que la seule production électrique de masse – à production de GES faible – existante en France, hors l'hydraulique (au développement possible malheureusement réduit sur le territoire français) est le nucléaire… et que le nucléaire tel qu'il a été pensé en France est pilotable… et donc apparaît pour certains comme un complément aisé, existant, des EnRI (électricité renouvelable intermittente) que sont l'éolien et le photovoltaïque - et ce dès aujourd'hui, et restant le seul possible en grande quantité à court, moyen et peut-être même à long terme, compte tenu des coûts
Il y a longtemps que les énergéticiens avaient prévu (qu'ils soient pour ou contre le nucléaire) que l'ensemble nucléaire, éolien, photovoltaïque était un une possibilité de créer une ressource électrique à production de GES très réduite, sur le territoire français (la France n'a pas les ressources hydrauliques de la Suisse ou de la Norvège…). Au cours des dernières années, les promoteurs éoliens ont légèrement changé leurs arguments de présentation devant les habitants des communes qu'il ciblent : l'éolien permettrait réduire l'appel au nucléaire, auparavant il s'agissait de faire disparaître le nucléaire ; les promoteurs laissent d'ailleurs aux élus, tentés par ces projets – surtout pour des raisons d'apport financiers sûrs –, à ceux des habitants convaincus, aux associations se disant écologistes (FNE en est un exemple) d'enfoncer, eux, le clou de la disparition possible du nucléaire.
Dans sa dernière livraison de projets, RTE présente 5 scénarios d'évolution de la production d'électrique française vers la disparition des GES de la filière, projets jouant sur les économies éventuelles ou non, les pourcentages d'éolien, de photovoltaïque, la mise en œuvre de transfert vers l'hydrogène, le développement de mise en réserve par batteries chimiques… et, quand même, la conservation d'un socle de nucléaire conséquent, correspondant aux 50 % de la LTECV actuelle.
https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilan-previsionnel-2050-futurs-energetiques#Lesdocuments
RTE, organisme d'état, dirigé maintenant, comme l'ADEME, par des grands amoureux de l'éolien, est bien conscient que de toute façon ses différents scénarios (même les moins éoliens) laissent de très nombreuses possibilités d'expansion à court et moyen termes pour tous les promoteurs qui le souhaitent. Passer de 70-75 % à 50 % laisse de la marge alors que les 8000 éoliennes existantes fournissent environ 8 % de la production (moyennée sur l'année) d'électricité non pilotable.
Bien sûr les analyses des scénarios RTE (2021) sont apparues très rapidement. Certains reconnaissent une certaine bonne volonté de la part des instances publiques, tout en maintenant leur incompréhension totale vis à vis des errements du pouvoir en ce qui concerne la production électrique française et sa lutte contre la production de CO2:
https://www.sauvonsleclimat.org/fr/base-documentaire/communique-futurs-energetiques-2050-publies-par-rte-le-25-octobre-2021
https://www.sauvonsleclimat.org/fr/base-documentaire/communique-on-peut-discuter-de-tout-sauf-des-chiffres
https://www.sauvonsleclimat.org/fr/base-documentaire/communique-quelles-energies-pour-demain
D'autres insistent bien sûr aussi sur les incohérences de ces scénarios mais y ajoutent une coloration anti-éolienne bienvenue. C'est la cas de Jean-Pierre Riou qui dans ses livraisons sur son blog
http://lemontchampot.blogspot.com/
fait une analyse, bien menée, sur le dossier RTE : en date du 2 novembre 2021, “Futurs énergétiques : des réponses qui posent question”, sans oublier l'actualité purement éolienne, par sa contribution à la
http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projets-d-arretes-portant-modification-de-la-a2523.html#forum785842
dans son article du blog du 8 novembre 2021 : “Lettre ouverte concernant les projets d'arrêtés portant modification de la réglementation relative aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent.”
En particulier, Jean-Pierre Riou y rappelle une nouvelle fois l'imcompréhension totale de l'ADEME et de ses associés sur la notion des nuisances sonores dans les territoires ruraux. Pour lui, comme pour nous et bien d'autres, le passage de l'émergence à 35 dB(A) au lieu des 30 dB(A) a été un don inadmissible fait par les pouvoirs publics aux promoteurs. Or le “calme” des 35 dB(A) sert d'argument fondamental à de nombreux élus, EELV en particulier, et à des adhérents et cadres FNE au autres, pour imposer la proximité des éoliennes aux habitants des communes.
Le ministre de l'Environnement (pour parler simplement) a mis en œuvre des cellules de réflexion pour rendre plus ouvertes, plus appêtissantes, les arrivées des projets éoliens sur l'ensemble du territoire… ll n'est pour lui auccunement question de ralentir l'envahissement… allant jusqu'à justifier l'augmentation de la pression sur les territoires déjà saturés, territoires que le ministre connaît bien. On pourrait ajouter que le sujet des nuisances de l'éolien industriel sur les populations locales (nuisances sonores, nuisances lumineuses, destruction des paysages proches et lointains) vient de se rouvrir, via la justice donnant raison à des habitants (nombreuses sources de médias citées dans la page du 8 novembre 2021 dans le blog de Vents et Territoires) : la considération, même en France, de l'existence réelle du syndrome éolien local doit servir comme ajout important aux critiques générales concernant les aspects économiques et techniques.