Quelques questions et réponses, encore actuelles, sur l'éolien industriel

Cet article est une reprise, mise à jour (novembre 2020), d'un article en 2010 écrit par l'auteur.

L'éolien industriel a pris une grande importance ces années dernières en France, et dans nos régions, Nord et Nord-Est en particulier. Le plan éolien 2005, puis les Grenelle I et II ont précisé les objectifs à l'horizon 2020, puis 2028 (PPE 2019)  et le cadre légal du développement. Le plan est ambitieux parce que c'est une partie importante du moyen que s'est donné la France pour satisfaire théoriquement à ses engagements européens concernant la part des énergies renouvelables, la diminution de l'énergie primaire, la diminution de la production des gaz à effet de serre et l'augmentation de la part renouvelable de la production d'électricité.

Le développement, très rapide - à l'heure actuelle - des sites éoliens n'est sans sans poser questions. Arguments et contre-arguments se trouvent exprimés dans de nombreuses brochures, sur de nombreux sites. Des tensions apparaissent au sein des communautés rurales, mais aussi nationales.

Les pages qui suivent se proposent de répondre à certaines des questions que se posent les habitants, des villes ou des campagnes. Questions auxquelles les promoteurs de l'éolien apportent des réponses souvent biaisées, incomplètes et parfois erronées.

 Aspects énergétiques

Les besoins et les réalisations

Les éoliennes que l'on installe actuellement en France ont généralement une puissance nominale de 2,5 à 4 MW. Compte tenu des fluctuations de la vitesse du vent (les éoliennes ne fournissent que rarement leur puissance nominale) la production électrique d'une telle éolienne est environ de 2200 MWh/an/MWinstallé (facteur de charge affiché de 0,25, mais 0,22 en 2009 [avec l'augmentation de la hauteur les éoliennes sont sensées augmenter leur facteur de charge]). C'est une production en soi considérable mais qu'il est nécessaire de relativiser eu égard aux besoins d'un pays comme la France.

Toutes utilisations confondues (production de biens [en se limitant aux biens produit en France seulement], éclairage, chauffage résidentiel, transports, services) l'énergie électrique consommée par 67 millions d'habitants atteint 500 000 000 MWh/an (500 TWh/an) ; environ 490 TWh en 2019. Ainsi il est sage de considérer qu'une éolienne de 2 MW produit environ l'énergie électrique que consomment, sur un an, un peu moins de 600 Français.

Ceci est un fait brut.

Une énergie pour des besoins locaux ?

Il est souvent affirmé que l'électricité éolienne est une source locale, à utilisation locale. C'est vrai et c'est faux tout à la fois.

En pratique il faut bien considérer que les parcs éoliens ne sont pas situés tout à côté de l'utilisateur. L'électricité transitera toujours via le réseau 20 KV au minimum. C'est à dire que l'utilisateur local de l'électricité produite localement n'utilisera cette électricité qu'à la sortie du réseau final, à basse tension. Et justement c'est sur cette partie là que les pertes en ligne sont les plus importantes (2,5% sur le réseau THT et HT, 4,5% sur le réseau BT).

Tant qu'il s'agit de quantités faibles (en gros l'électricité éolienne en France représente, en 2019, un peu moins de 7 % de la consommation d'électricité sur l'année) on peut dire que l'électricité produite peut être, malgré son intermittence, absorbée par les utilisateurs locaux [un exemple parmi d'autres : une papeterie consomme, de façon continue, 10 MW en permanence et peut être considérée comme l'utilisateur principal des 22 MW - lorsque le vent est assez fort - du parc éolien de la Picoterie (Charly-sur-Marne)]. Il y a cependant fort à parier que de tels consommateurs préfèrent compter sur les services de centrales moins intermittentes. Cependant l'on pourrait effectivement considérer que l'énergie éolienne produite dans nos régions, proches de nombreux utilisateurs individuels est effectivement consommée localement.

Mais est-ce vraiment le cas ? Là apparaissent deux problèmes.

Tout d'abord certains consommateurs ont opté pour des contrats d'électricité verte (il en existe de plusieurs types, même chez des fournisseurs historiques comme EDF) et alors l'électricité éolienne sert en premier à satisfaire ces utilisateurs là (ayant accepté de payer plus cher leur électricité). Sauf à ce que les habitants des communes sur lesquelles s'érigent les éoliennes soient tous vertueux, au niveau comptable l'électricité des éoliennes est ainsi à ce jour non locale.

Il y a plus curieux encore. De nombreux promoteurs/producteurs éoliens sont très intéressés par les qualités "renouvelables" de l'électricité éolienne. Ceci permet de "verdir" des productions électriques de base, ou d'ailleurs n'importe quelle industrie frappée par les quotas de production de CO2. Pouvons-nous dire alors que localement nous utilisons une électricité propre alors que cette production est liée à la pérennité de productions (électrique, par exemple, en Allemagne) sales.

On remarquera à ce propos qu'il est souvent dit que l'énergie électrique consommée pour le chauffage en hiver n'est pas issue de la base nucléaire (relativement proche des consommateurs, et donc locale) mais provient pour une bonne part des centrales électriques au charbon allemandes. C'est en partie vrai au niveau comptable, mais physiquement globalement faux.

De toute façon tout le réseau européen est interconnecté… au point que RTE, et le promoteurs, prévoient que l'installation en France de très, très nombreux parcs éoliens permettrait de diminuer la production de CO2 à l'extérieur de nos frontières !

L'électricité verte est alors, à l'heure actuelle, locale et non-locale.

Bien sûr l'on peut se consoler en mettant en évidence le fait que cette augmentation de la production électrique est en partie verte, liée à une production faible de gaz à effet de serre (GES). Si, et c'est le cas en France, elle vient à limiter la production d'électricité de centrales pilotables à faible production de GES, il est nécessaire de s'interroger. L'ADEME, RTE… envisage de remplacer le nucléaire par de l'éolien, du photovoltaïque, dans un premier temps, en adossant ces productions renouvelables, mais intermittentes, à des centrales à gaz pilotables pour assurer la continuité de l'offre d'électricité, minute par minute. Quitte à augmenter, en pratique, la production de GES !

Dès le début de ce développement, des énergéticiens ont très rapidement insisté sur le fait que pour diminuer la production de GES en France, à coût bien plus limité, Il eût été beaucoup plus simple, et efficace, de s'intéresser aux économies importantes qu'il est possible de réaliser avant que d'offrir une source supplémentaire d'électricité.

Exemples étrangers

L'éolien industriel est une source d'électricité potentiellement importante. Il offre des avantages mais aussi des inconvénients. Pour en discuter il apparaît important de prendre pour éléments de comparaison des pays producteurs, et consommateurs, de structure identique au nôtre. (Nul besoin de comparer à ce qui est se fait en Chine ou aux Etats-Unis où la structure des paysages, les implantations humaines ou la culture démocratique sont trop éloignées de nos propres conditions).

Vient à l'esprit trois pays : Allemagne, Danemark et Espagne. Trois pays producteurs d'électricité éolienne (et aussi d'éoliennes). Ils sont souvent cités en exemples de ce que l'on peut faire… ou de ce que l'on doit faire.

A bien regarder (et il ne s'agit pas simplement que de faits paysagers) tout n'est pas simple. La production éolienne danoise est assez souvent de la surproduction, vendue à perte aux pays voisins, qui pour certains peuvent éventuellement l'absorber dans leur système hydroélectrique ; le Danemark est d'ailleurs globalement importateur d'électricité fortement teintée de CO2. On notera ici que ce pays risque de voir sa dernière forêt primaire saccagée à fin de construction du centre de recherche sur les éoliennes géantes (6 à 8 MW…, 250 m de hauteur).

L'Allemagne, couverte d'éoliennes, connaît des problèmes de gestion des quelques 18 % de son électricité - d'origine éolienne - nécessitant un renforcement des lignes haute et très haute tension (HT et THT), menant à de nombreux événements de prix négatifs sur le marché de l'électricité.

L'Espagne a eu le privilège d'être citée en janvier 2010 parce que l'électricité éolienne a permis de couvrir plus de 50 % de ses besoins électriques. 50 % devenus 3 % quelques jours plus tard. L'intermittence du vent se rappelle constamment à nous [pour s'en rendre compte, voir le suivi heure par heure du réseau électrique espagnol]. L'Espagne renforce donc en priorité son réseau HT et THT, elle développe aussi en parallèle ses centrales thermiques au gaz, cycle combiné à haut rendement.

En dehors de ces problèmes techniques, tout est-il rose dans ces différent pays ? Eh bien non. Des réticences se sont rapidement révélées. Ce sont celles qui apparaissent aussi chez nous. Elles dépassent légitimement le syndrome NIMBY (not in my back yard) dont sont accusés les anti-éoliens ou ceux qui par moment s'interrogent. Impact paysagers, impacts sanitaires, impacts sociaux (exemple : dépréciation des biens) ?

Avantages et coûts

L'avantage de l'éolien industriel est la maturité de la technique, permettant de croire que l'on peut satisfaire assez facilement à des critères que la France s'est donnée, vis à vis de l'UE. Les usines existent, on peut se montrer suffisamment attrayant (via les banques, par exemple) pour trouver des financements et donc proposer des projets.

Un avantage aussi, dans le cas français, est l'importance et la distribution des gisements. Il est assez classique de dire qu'en France le vent souffle toujours quelque part. C'est (en petite partie) vrai, mais ce n'est pas sûr à 100 %, et cet argument n'apparaît permis que parce que le réseau HT et THT est bien conçu. Mais que devient alors la critique sur l'inélégance et la prégnance inévitable des pylônes décriés ?

Bien sûr le coût actuel du MWh éolien est encore élevé, mais après tout les prix des autres électricités augmentent (il suffit de penser au prix du KWh du futur réacteur EPR). Mais l'électricité éolienne est une électricité fatale, s'imposant en totalité sur le réseau, sans pouvoir de faire disparaître les sources pilotables permettant de compenser les absences ou les faiblesses de vent.

Mais ce qu'il faut bien voir aussi est que si la ressource (le vent) est gratuit, le coût de l'éolien peut difficilement baisser, lié qu'il est au prix de sa construction (ciment, aciers, matériaux composites, lignes HT ou THT, centrales au gaz nécessaires en cas de développement important). Aussi il n'est nullement question d'économies d'échelle. L'électricité éolienne actuelle est la source électrique qui consomme le plus d'acier au kWh produit. Comme d'autres, cette ressource, renouvelable, se trouve confrontée aux pénuries éventuelles des matières premières.

RTE et EDF admettaient au début pouvoir gérer sans trop de difficulté une puissance intermittente et distribuée un peu au hasard de l'ordre de 10 GW. En trois ans nous sommes passé de 2 à 5 GW de puissance installée. Le Grenelle II souhaite construire 500 éoliennes/an (soit 1 GW) jusque 2020 (On notera à ce propos que les régions Picardie et Champagne-Ardenne sont prévues pour accueillir presque 25% du total à elles deux !). La gestion des 36 GW prévus en 2028 (PPE 2020) va s'avérer bien plus compliqué si l'on ferme les centrales pilotables.

Impacts divers
Toutes les études de projets éoliens impliquent une étude d'impact. Bien sûr il n'est nullement question de cacher des engins qui atteignent communément en bout de pales la hauteur de 180 m, et même plus, en 2020. Par ailleurs ces engins sont des moyens de production, formés de rotors transformant l'énergie cinétique du vent en énergie électrique. Il y a donc mouvements des pales et émission sonores diverses.

Ces impacts ne sont pas niés. Ils sont souvent présentés de façon à les rendre presque indolores, jusqu'à mettre en doute la bonne foi des personnes qui s'interrogent sur l'un ou l'autre.

Aspects paysagers

La critique la plus souvent faite à l'encontre des parcs éoliens est l'aspect visuel. Sauf exception, nous n'en sommes plus aux machines montées au sommet de pylônes en ferraille, un peu semblables aux pylônes portant les lignes haute-tension - qui vont être décriés à tout coup en servant de repoussoirs ; au contraire, la machine est "élégante", forme blanche, lisse et élancée. Elle est considérée dans les dossiers d'enquête publique éoliens comme participant à une découverte des lignes de force des paysages.

Vu leur hauteur, vu les paysages plus ou moins vallonnés, aux structures douces, et même par endroits totalement plats, il est reconnu que les éoliennes influent sur les paysages ; les retours d'expérience, nombreux maintenant (tels ceux analysés dans le volet paysager éolien de la préfecture de l'Aisne de juillet 2009), amènent à la prise en compte de précautions élémentaires pour éviter l'écrasement du paysage par les machines, en particulier sur les crêtes des collines et les lignes de cassures de pentes des plateaux. Il n'est plus nié que les parcs éoliens en arrivent même à détruire des paysages. Au contraire ce sont les éoliennes, principal élément du champ de vision, qui apparaissent habillées par telles ou telles structures naturelles antérieures.

Si des champs, même industriels, si des forêts, même découpées au cordeau, ont encore de loin et de près des aspects naturels, l'implantation des éoliennes introduit définitivement le paysage industriel sur la totalité de régions entières. Il y a là une rupture historique et brutale (en moins d'une décennie).

Epaux Hautevesnes 2020 Hautevesnes (02) et quelques unes des éoliennes de son vosinage.

Les éoliennes participent à la modification du paysage, que celui-ci soit antérieurement décrit comme emblématique (Paysage emblématique des Villages de l'Orxois, devenant “paysage agricole et éolien” (dixit EDF EN), comme ci-dessus.

Par nature mobiles, les éoliennes attirent l'œil et structurent impérieusement la perception du paysage. Les champs, les villages, les rivières, les prairies, les bois disparaissent… devenant juste l'habillage d'un quadrillage irrégulier d'éléments mobiles.

La nuit, elles clignotent et industrialisent les paysages nocturnes sur des régions entières.

 


De façon à éviter le mitage, on en arrive à introduire la notion de "distances de respiration" entre les parcs, regroupés maintenant en "zones de densification".

Un but noble est associé à cette introduction. Eviter le mitage, bien sûr, mais aussi protéger de grands pans de paysages que certains considèrent comme emblématiques : grandes forêts, parcs naturels nationaux, parcs naturels régionaux (et encore), massifs montagneux aux horizons immenses (Auvergne, par exemple, mais pour ce massif n'est-il pas trop tard ?), monuments et paysages classés (le Mont-Saint-Michel, la butte de Laon…). Compte tenu que les objectifs de puissance installée en 2020 restent inchangés, ces protections ne peuvent que se faire qu'au détriment des paysages banals.

En 2020 cela fait bien longtemps que les parcs naturels régionaux sont touchés, que des forêts sont déboisées… que les crêtes sont marquées…

Aileurs la densification s'effectuant alors sur ces zones moins riches au niveau paysager (ou considérées comme telles par les instances nationales, régionales, départementales… par des ONG se disant écologistes) des villages se retrouvent ainsi entourés par les éoliennes d'un ou plusieurs parcs. Foin de la notion de covisibilté interparcs, alors. On vérifiera juste que les interdits issus du Grennelle II sont bien respectés, à la lettre.

La Champagne-Ardenne et la Picardie, terres privilégiées de paysages banals, sont encore ainsi des zones privilégiées d'implantation, à l'heure actuelle… et pour les années à venir. La peste éolienne a maintenant atteint la plus grosse partie du territoire français.

Au niveau paysager ajoutons ici, les effets de la mobilité des engins… et la disparition des nuits noires, paysages nocturnes, ponctués désormais des rappels à éclats à destination, peut-être, des passagers des avions s'envolant pour des séjours exotiques dans des paysages de rêves. Mais cela c'était avant le coronavirus de 2019.

Nuisances sonores

La France a, concernant les éoliennes, une législation assez stricte, du moins le dit-on dans les écrits pro-éoliens. En effet les éoliennes sont soumises aux arrêtés sur les "bruits de voisinages" définissant en particulier des dépassement limites de 5 dB(A) de jour, de 3 dB(A) de nuit par rapport au fond sonore ante. En pratique les études d'impacts sonores se doivent d'être plus précises que cela, indiquant normalement les puissances sonores engendrées par bandes de fréquences.

Il est bon de noter plusieurs points. Tout d'abord, trop nombreux sont les appels à aux échelles de bruits, se permettant d'écrire que les 40 dB(A) cités pour les éoliennes (modernes) à 250 m du pied des mâts correspondent au doux bruit d'un bureau calme, d'un restaurant tranquille ; que les 35 dB(A) à 500 m d'une éolienne sont inférieurs au bruit des aéronefs passant à l'altitude de 10000 m, ne peut être un argument, sachant que les bruits de ces aéronefs sont justement le seul fond sonore actuel de bien des régions de nos pays et qu'ils sont parfaitement audibles !

On oublie aussi que l'OMS indique que des puissances supérieures à 30 dB(A) sont contre-indiquées pour les chambres à coucher ; que la limitation des 3 ou 5 dB(A) du décret sur les bruits de voisinage ne s'applique pas en-dessous du seuil de 35 dB(A) (seuil que l'on rencontre assez souvent en campagne) ; que, finalement, l'unité de mesure dB(A) n'est finalement pas adaptée au problème d'un bruit régulier industriel.

Souvent est avancé l'argument que l'éolienne se met à faire du bruit lorsque les pales tournent, sous l'influence du vent. Alors que le vent est source lui-même de sons divers (bruissement des arbres et herbes, en particulier), noyant théoriquement le son des éoliennes dans les sons naturels. C'est oublier deux choses :

  • Tout d'abord, les vitesses des vents, à l'altitude des nacelles et des pales, atteignent des valeurs nettement supérieures aux vitesses des vents au sol, rendant beaucoup plus difficile la prévision du recouvrement sonore. Topographie, gradient de température… tout concourt à rendre délicates les prévisions des nuisances sonores.
  • Secondement le bruit des pales passant devant le mât est régulier. A 16 tours par minute une tri-pale engendre donc un "flop" régulier avec une période un peu supérieure à une seconde, qui même faible engendre gêne et rejet.

A lire maints commentaires de riverains (et ce ne sont pas tous des français, râleurs) ces nuisances sont pénibles, retentissant sur le moral, détruisant le bonheur de vivre. De telles nuisances ne peuvent se ressentir lors des quelques minutes d'une visite organisée, ou impromptue, sur une zone éolienne (voyages d'"étude") mais au long de nuits dans une chambre avec une fenêtre éventuellement ouverte (c'est encore un droit) vers un parc éolien, ou un jardin, une promenade naguère silencieuse, mais "bercée" maintenant d'une signature marquée.

Impacts sur la faune et la flore

D'une façon générale l'implantation des éoliennes nécessite une emprise au sol dont la plus grande partie est le cheminement d'accès, permettant les vérifications et travaux divers sur la vie des machines (15, 20 ans ?). Par endroit ce n'est pas neutre. Le sous-sol est lui marqué définitivement (à l'échelle d'une vie d'homme, et bien plus) par la présence des 1000 à 1500 tonnes de béton (très) armé du socle.

Normalement les parcs éoliens sont étudiés pour être placés en dehors des couloirs des oiseaux migrateurs. La présence d'oiseaux ou de chiroptères rares susceptibles de nicher ou vivre sur les zones correspondantes est étudiée soigneusement. Un suivi aviaire est souvent prévu, au titre de mesure compensatoire. Les études révèlent qu'une éolienne tue en moyenne 5 oiseaux par an : ce nombre, regrettable, est bien sûr à comparer aux dégâts incommensurablement plus grands causés par les moyens de transport (voitures, camions et trains) ou l'agriculture industrielle et l'entretien d'espace verts de voirie (destruction de tous ordres - biotopes -, fauche mécanisée hors de propos) ou aux prélèvements justifiés (ou injustifiés) de l'activité de chasse.

     La voiture tue pourtant rarement des chiroptères, des oiseaux de proie ou des migrateurs.

Mesures compensatoires ou mesures d'accompagnement

Comme tout projet d'ampleur, les dossiers déposés au permis de construire et leurs volets d'enquête publique (EP) comprennent un chapitre "Mesures compensatoires". Ainsi le projet est-il avoué, quand même, de modifier l'existant, modifications susceptibles de nuisances ou dégradation.

Compte-tenu des dimensions de chacun des projets et de leurs implications importantes, on reste totalement sur sa faim à propos des mesures compensatoires découvertes dans les dossiers d'EP. Outre la promesse d'enfouissement des lignes de raccordement aux lignes existantes de 20 kV, on rencontre quelques habillages bois des petits postes électriques des parcs, la promesse que l'on ne plantera surtout pas d'arbres comme mesures compensatoires de façon à ne pas tenter les oiseaux de s'installer trop près… par moment une participation à des améliorations installations consommatrices d'énergie dans les communes d'accueil (ce qui n'est pas totalement insensé, mais ne répond pas au problème des compensations des nuisances). Don d'arbres à placer en limite de terrain d'un riverain risquant de voir les machines… installation de panneaux expliquant le paysage, l'environnement botanique et faunistique, les bienfaits de l'énergie éolienne dans la démarche de la Transition énergétique… tracés de voies vélos ou de cheminement doux…

Promettre un suivi régulier des impacts sonores éventuels peut être plus sérieux. Le cahier des charges d'un tel suivi n'a de sens que s'il est construit à partir d'un vécu de riverains existants. Il serait d'ailleurs bon que des règlements à définir pour les nouveaux parcs s'imposent aux parcs existants.

Les mesures compensatoires d'un impact paysager ne peuvent se limiter à une aide, même légitime, à la réfection de chemins locaux. Défini dans un espace légal totalement libéral, le plan éolien ne peut se concevoir que dans un cadre humain "social". Le lardage de régions entières sur des paysages même non-emblématiques n'est pas du ressort du promoteur, de la commune ou de la communauté de communes. La réflexion sur les paysages est une obligation globale ; elle n'est pas du ressort d'un cabinet de paysagistes, elle n'est pas du ressort d'énarques divers… elle est du ressort de tous.

Franchir, à l'heure où ces lignes sont écrites, à la décembre 2020, le paysage banal est enfin mort.